On fouille!
L’archéologie est une science qui cherche à connaître les occupations humaines anciennes, depuis la préhistoire jusqu’à l’époque contemporaine. Elle permet la mise au jour des indices matériels du passé, comme la culture matérielle, les vestiges d’aménagements, de structures et de végétaux, des reliques humaines ou animales, ainsi que les contextes dans lesquels ont été trouvés ces indices. Ces preuves sont examinées à l’aide de différentes techniques : la datation au C14, la tracéologie, l’archéométallurgie, la zooarchéologie, etc. Les résultats de ces analyses permettent aux archéologues de faire des interprétations sur les modes de vie et les pratiques culturelles des populations du passé.
L’archéologie utilise des méthodes d’analyse provenant à la fois des sciences humaines et des sciences de la terre. Elle fait donc appel à la multidisciplinarité, c’est-à-dire que les archéologues collaborent avec de nombreux spécialistes de différentes disciplines.
Lorsqu’ils travaillent sur les périodes historiques, les archéologues consultent différents documents écrits, des sources orales ou audiovisuelles pour interpréter les contextes archéologiques. Ils échangent aussi avec les historiens, qui sont les spécialistes des écrits. Il arrive souvent que les archéologues et les historiens divergent d’opinions, car les sources écrites ne correspondent pas toujours aux découvertes archéologiques auxquelles les chercheurs s’attendaient. Cela remet en question d’anciens résultats, mais surtout permet de faire avancer les connaissances sur les modes de vie des anciens habitants des lieux étudiés.
D’autres spécialistes peuvent participer aux projets de recherche archéologique. Par exemple, le zooarchéologue détermine, à partir des os d’animaux retrouvés sur un site archéologique, quelles espèces animales figuraient au menu des occupants. Le spécialiste en technologie ancienne examine les artéfacts pour comprendre comment ils ont été fabriqués, avec quels matériaux, et à quoi ils servaient. Le spécialiste en architecture étudie quant à lui les vestiges des habitations. L’archéologue environnementaliste analyse des échantillons de sols prélevés lors des fouilles afin de cerner le type d’environnement du site selon les différentes périodes d’occupation.
Le projet Fort Odanak : le passé revisité s’est déroulé en plusieurs phases et a mis à contribution différentes expertises. Les archéologues ont d’abord effectué une prospection sur des zones identifiées comme étant à « haut potentiel archéologique », c’est-à-dire possédant toutes les qualités pour permettre une occupation humaine : de l’eau fraîche, un sol bien drainé, l’accès à des ressources alimentaires et à des matériaux pour produire des outils, etc.
Pour faire une prospection, les archéologues utilisent une pelle, une truelle et un tamis. Ils creusent systématiquement des trous carrés de 50 cm x 50 cm sur la zone choisie et vérifient la présence d’artéfacts ou d’indices de présence humaine ancienne, comme des foyers ou des structures de pierre ou de bois.
Lors de cette première phase, plusieurs sites d’occupation ont été mis au jour à Odanak : des campements préhistoriques, des sites historiques de la période coloniale, dont un moulin. Le site CaFe-7 est le plus important, car il recèle plusieurs occupations. Le fort d’Odanak se trouve justement sur ce site : c’est lors de la prospection de l’automne 2011 que les premiers vestiges de cette construction ont été retrouvés.
À la suite de ces découvertes, trois autres campagnes de fouille ont été réalisées en 2012 et 2013 et 2014. Plusieurs zones ont alors été fouillées en aire ouverte, c’est-à-dire que de grandes sections de sol ont été enlevées, par niveau. Cette méthode présente l’avantage d’offrir une vue d’ensemble du site et de ses vestiges, comme les pieux de la palissade ou les structures des maisons longues. Les archéologues utilisent une truelle pour cette opération. Ils tamisent tous les sols pour s’assurer de prélever les petits artéfacts, comme les perles de 2 mm de diamètre, ainsi que les écofacts, comme les graines de framboisiers et les petits os.
L’intervention de l’été 2014 visait à mieux documenter deux zones artisanales mises au jour à l’été 2013. La première portait sur le travail de recyclage de métaux européens en outils et ornements traditionnels; la seconde concernait le travail des peaux et le façonnage des perles de coquillage. En septembre 2014, l’équipe a mené des travaux archéologiques sur le site CaFe-9 Le Moulin. Elle cherchait à documenter les vestiges du bâtiment mis au jour en 2013 ainsi que les modifications apportées au lieu ou au paysage pour permettre le travail de transformation des grains. Des échantillons de sols ont été prélevés pour des analyses en palynologie et la flore présente sur le site a été répertoriée avec l’aide de l’équipe du bureau Environnement et Terre d’Odanak. L’équipe pourra ainsi voir si l’occupation du moulin et la présence de grains ont modifié l’environnement initial du site. Ce moulin, datant de la dernière moitié du 18e siècle, semble être un lieu important où les Abénakis et les colons français puis anglais se rencontraient.
À la fin de cette dernière campagne de fouille, les archéologues ont entamé la phase d’étude des données recueillies. Certains artéfacts et écofacts ont fait l’objet d’analyses spécialisées et les sources historiques, orales et audiovisuelles ont été étudiées à nouveau en relation avec les découvertes effectuées. L’ensemble des résultats permettra aux archéologues d’écrire une synthèse sur les travaux réalisés et par le fait même fournira de nouvelles connaissances sur la présence des Abénakis sur la rivière Saint-François.